Noms de Nantes

Postface de François Bon,
Éditions Joca Seria, 2002.

Couverture de "Noms de Nantes"

Extraits

La Pilotière
« C’est ici que tout a commencé, du moins pour ce qui te concerne, dans ce quartier périphérique coincé entre usine et jardins maraîchers, rencogné entre rails et nationale, fuyant qui vers le Nord, Châteaubriant, la campagne exécrée des dimanches, qui vers l’Est, Paris, la ville capitale, seule échappée quand on n’est pas marin.

Les noms des quelques artères qui l’oxygènent – à peine une dizaine – se voulaient peut-être hommage aux sacrifiés de la Grande, poilus ensevelis pêle-mêle dans la boue des champs d’horreur, morts pour qu’une administration puisse un jour décréter sans rougir que telle rue d’ici se nommerait « de Metz », telle autre « de Toul » ou « de Nancy », la tienne, celle où tu es né « de Thann ».

Ni cossues, ni coquettes, la plupart des habitations montraient peu en façade, au mieux un jardinet fleuri sans goût, entretenu sans ostentation, tandis qu’à l’arrière, à l’abri des regards, sitôt franchi un couloir latéral à haute porte verrouillée, un potager soigné, souvent jouxté d’un poulailler, voire de clapiers : les souvenirs de faim sont tenaces, le temps du rationnement à peine révolu, sans oublier, ancrée au plus profond de ces petites gens besogneuses, ouvriers fils de paysans, commis corvéables, bonnes à tout faire, eux-mêmes descendants de serfs, la crainte obsessionnelle du manque.


La Jonelière
« Vous aviez marché le long de la voie ferrée jusqu’au pont qui d’une enjambée traverse l’Erdre ;
à la berge nord où autrefois les guinguettes, désormais un bistrot de pêcheurs, vous aviez préféré l’autre rive, plus tranquille, encore sauvage, découvert une crique de verdure à l’ombre d’un vieil arbre dont les racines serpentaient jusqu’à la rivière ;
qui le premier – Anne ou toi – prit la main de l’autre tandis qu’au loin passaient repassaient des voiliers aux allures de jouets, que des cris d’enfants résonnaient en écho sous la voûte du pont ;
qui le premier, prenant Eluard à contre chagrin, aurait pu le soir prédire sur la première page d’un cahier : Treize avril mil neuf cent soixante et onze, nous vieillirons ensemble. »


Coupures de presse

« …ces textes s’enracinent dans une veine authentique. D’abord parce que chacun est nommé, d’une rue de Nantes, nom propre, indéniable. Ensuite parce que, de la préhistoire parentale au départ à vingt ans et quelque, ils inscrivent, fixent les moments d’une vie dans ces espaces, rues, places, convoqués moins pour attester la vérité de faits évanouis, que pour les révéler, au sens photographique du terme, comme si les cinquante-trois lieux nommés avaient en charge de nommer celui qui les a traversés, de lui conférer une identité que la syntaxe met délibérément à distance par le « tu » de la deuxième personne. C’est bien de cela qu’il s’agit : dire le tu, le celé, dire ce qui n’est plus, qui s’échappe (la vie, la mort, les aménagements urbains, sont passés par là). Peu à peu, par cristallisation, se matérialise un être, une histoire unique, du sépia des premières années au mauve Katmandou en passant par le rouge Sorbonne. Chacun y lira, dit encore François Bon, « ce qu’on ne sait pas de soi, et que tout livre, s’il est bon, vous réapprend à savoir ».
Alain KEWES
Revue Décharge n° 113.


« Jacques-François Piquet se promène, avec ses Noms de Nantes, à travers les rues et les places de cette ville qui lui évoquent des souvenirs ténus, presque impalpables. Le voyage dans cette géographie intérieure est envoûtant car le lecteur peut toujours, en écho, se laisser aller à ses propres rêveries. (…) Ce très beau récit, écrit dans une langue limpide, est complété par une postface de François Bon. »
Noëlle MÉNARD
Encres de Loire, mars 2002.


« … Les villes changeraient d’apparence et de réalité si on les séparait de certains livres qu’elles ont suscités et dont elles sont, en quelque manière, les coauteurs. Ainsi de Nantes et de l’ouvrage silencieux et justement mesuré de Jacques-François Piquet. (…) »
Patrick KÉCHICHIAN
Le Monde des livres, 2 avril 2002.


« « La forme d’une ville change plus vite que le cœur des humains », disait en substance Julien Gracq dans le livre qu’il consacra à Nantes, La forme d’une ville. C’est aussi cette forme, les formes de cette ville-corps que Jacques-François Piquet veut approcher ici. Il trace, d’un point à l’autre, d’un nom à l’autre, les points cardinaux d’un temps retrouvé. »
Isabelle ROCHE
Lelibraire.com, mars 2002.


« … En publiant Noms de Nantes, Jacques-François Piquet se savait attendu au tournant. Il relève le défi à sa manière : modeste, attachante et appliquée. Les cinquante-trois fragments qui composent son petit livre sont autant d’épisodes attendus du récit d’enfance mais aussi, et là est leur force, cinquante trois tentatives pour explorer le territoire littéraire contenu dans chaque nom de rue. (…) »
Philippe PERRIER
magazine Lire, mai 2002.


« …ce sont bien ses souvenirs d’enfance qu’évoque, à la deuxième personne du singulier, JFP dans les 53 fragments de ces noms de Nantes qu’il égrène tel un Petit Poucet ses cailloux. Comme il a grandi dans un quartier coincé entre usine et jardins maraîchers, son inventaire n’a rien à voir avec la cité célébrée par les surréalistes… »
Isabelle MARTIN
Le Temps des Livres, Genève, 30 mars 2002.


« Il y a là tout un petit monde décrit dans un style bien particulier, impressionniste en quelque sorte. JFP semble soliloquer et il a su fort bien faire entendre sa voix, jouant à la fois de la ponctuation et du ton, pour réaliser une chronique provinciale très originale. »
Yves LOISEL
Le Télégramme, 6 mars 2002.


« On parle souvent des lieux de mémoire, en oubliant parfois que chaque lieu a sa mémoire et que dans chaque lieu, il y a de la mémoire qui s’accumule, mémoire de celles et de ceux qui ont vécu, ceux qui sont passés ou qui ont rêvé à ces lieux. C’est à travers différents lieux de sa ville natale que JFP recompose sa mémoire d’enfant et d’adolescent. »
Arnaud LAPORTE
France Culture, Multipistes, 21 mars 2002.


« …les écritures inventives (celles qui ne se veulent pas, mais sont véritablement littéraires) n’ont de cesse de chercher de nouveaux passages vers les intimités fraternelles des lecteurs. JFP, pour ce faire, a choisi de passer par des noms (…) d’une ville qui est la sienne et qui l’a vu grandir : Nantes. (…) Les distances ici ne sont jamais que celles du temps, le vrai héros faufilé entre les lignes, entre les noms. »
Michel BAGLIN
Brèves n° 65.


« …parce que JFP a travaillé ces fragments comme de la poésie, avec le souci du rythme et de la musique, le lecteur met ses pas dans les siens, qu’il connaisse ou non le dédale de Nantes. De telle sorte qu’il s’identifie à ce garçon, qui devient son double, son frère, dans cette recherche du temps perdu, des émotions envolées, des sentiments toujours vivant dans le cœur. »
Alain-Pierre DAGUIN
Presse-Océan, 28 mai 2002.


« L’intimité entre un homme et sa ville. (…) Jacques-François Piquet sait tout de la cruauté et de la pudeur. Chaque ville est faite de strates de mémoire, de littérature, d’histoire. Et l’auteur n’écrit pas innocemment son Nantes… »
Laure NAIMSKI
Nantes Passion, février 2004.


« Images, lambeaux de vies, morceaux de pensée, écriture poétique et forte. De la belle ouvrage. A lire et à garder dans l’album de mémoires. Absolument. »
Jocelyne SAUVARD
Encres vagabondesn° 27.


« (…) Autobiographie qui est aussi, par la grâce de cette reconstruction, par l’intermédiaire des lieux et des noms, littérature. Et c’est là que ce livre nous touche, car le lecteur, par sa lecture des Noms de Nantes, peut aussi rechercher ce qui reste enfoui de son enfance et de son adolescence. »
Thierry PAQUOT
revue Urbanisme.


« …objet littéraire à la beauté fragile… (…) … Dans le fragment et l’épure, le livre trouve sa respiration, sa distance, sa vérité littéraire. De même, au carrefour des expériences de Perec et de la tectonique mentale de Gracq, géographe des strates, il suit un chemin privé à partager, avec ses rues du départ et ses lignes de fuite. »
Yves AUMONT
Ouest-France, 28 mai 2002.