Éditions Le bruit des autres, 2007.
Peinture de couverture : Jean-Pierre Pineau.
Présentation
La pièce est pensée pour un seul couple, mais elle peut éventuellement être jouée par deux couples (cf notamment scène 7) dont on soulignera alors les ressemblances.
Les noms de famille des protagonistes – Quenemarch et Quénemarch – ont la même orthographe à l’exception d’un accent aigu pour le deuxième. En revanche, la prononciation diffère : Quennemarche pour l’un, Quouénmar pour l’autre. Le couple 1 tient à cette distinction ; le couple 2 se satisfait d’une prononciation neutre, à savoir : Quennemar.
Premières répliques
L’homme : On pourrait dire qu’on n’a rien vu venir… On pourrait dire ça, oui… Et c’est vrai qu’on était là comme chaque soir en train de dîner avec notre plateau devant la télé quand soudain à la porte : ding-dong…
La femme : Toc-toc-toc.
L’homme : ?
La femme : Eh bien oui, toc-toc-toc, nous n’avions pas de sonnette à l’époque !
L’homme : Est-ce si important ?
La femme : Tout est important quand on fait l’effort de se souvenir ! Surtout les détails !
L’homme : Soit ! Je reprends donc : quand soudain à la porte : toc-toc-toc…
Coupures de presse
« Avec cette pièce en un acte, Piquet poursuit une réflexion entamée depuis quelques livres autour de la mémoire, de l’oubli et de la responsabilité. Sur scène, un couple dans son appartement, lequel sera tantôt celui du dessus tantôt celui du dessous, identique, et qu’il a « emprunté à long terme » aux précédents occupants, emportés par une rafle. Bien sûr, un appartement inoccupé est une absurdité quand on vit soi-même à l’étroit. Bien sûr, ils n’y sont pour rien, ou si peu, une simple question d’accent. Chacun son destin. Mais quand même. La trappe de communication creusée pour agrandir leur territoire devient une terrible bouche d’ombre, une mauvaise conscience qu’ils ont bien du mal à faire taire. Surtout quand les occupants du dessous semblent revenir. Jacques-François Piquet mène cette intrigue avec un sens parfait des silences qui envahissent le discours, corrodent les mots et font grincer la vérité. Quelle différence peut justifier que le sort de l’autre m’indiffère ? L’inéluctable dénouement répondra à ma place. »
Alain KEWES
revue Décharge 134, juin 2007.
« Ce texte renvoie aux interrogations et aux sentiments de chacun face aux souffrances qui nous entourent et aux menaces qui se profilent. Sommes-nous assez attentifs aux signes avant-coureurs des drames ? Un texte tout à fait d’actualité au moment où beaucoup d’acquis sont remis en cause, où tant de décisions très bizarres et dangereuses pour l’avenir sont prises ? Réagissons-nous assez ? Ne sommes-nous pas trop passifs au moment où il est encore temps d’agir ? Ne sommes-nous pas coupables de ne pas nous opposer clairement et violemment aux atteintes à la liberté, au droit d’asile, au droit aux soins, au logement… ? Faut-il attendre comme ce couple?
Une pièce de grande portée que celle que nous offre Jacques-François Piquet. La littérature est là pour nous aiguillonner :
« Pourquoi tu dis ça ? On ne s’en fout pas, nous. Mais on ne peut pas non plus se sentir coupable pour quelque chose qu’on n’a pas vu venir… ou, si tu préfères, qu’on pourrait dire ne pas avoir vu venir ! Quant à ce qui restait dans l’appartement, tu sais très bien que ça n’avait pas beaucoup de valeur… »
Brigitte AUBONNET
revue Encres vagabondes, 21 mars 2008
« On pourrait dire qu’on a rien vu venir… », c’est ainsi que commence cette étrange pièce et c’est ainsi qu’on pourrait la résumer. (…) L’écriture tout à fait aboutie et juste, avec un sens parfait des pleins et des déliés, des silences et enchaînements, nous entraîne, au-delà d’un simple témoignage, vers une vraie représentation théâtrale, offrant plusieurs axes de lectures et de mises en scène sur le thème de la culpabilité, du racisme passif, de la responsabilité et de l’eugénisme. Entre Calaferte et Ionesco, Jacques-François Piquet nous interroge l’air de rien dans ce texte surprenant et déroutant sur notre égocentrisme et notre indifférence aux souffrances des autres. Une pièce sans doute délicate à mettre en scène mais qui mériterait de trouver son public. »
Élisabeth GENTET-RAVASCO
L’Agapante, revue Atelier Théâtre n°34, printemps 2009.