Récit
Photo de couverture : JFP
Éditions Rhubarbe 2018
Quatrième de couverture
« Au premier jour de l’automne 2015, j’ai pendu les treize livres que j’avais écrits aux branches hautes d’un vieux tilleul, puis entrepris de tenir le journal de leur dégradation comme je l’aurais fait de mon propre vieillissement. Pour illusoire et dérisoire qu’elle fût, cette décision répondait tout à la fois au besoin de me défaire d’un passé qui me pesait, d’un rôle, celui d’écrivain, que je ne voulais plus assumer : j’avais juste sous-estimé que cette installation, sous la forme concrète d’un mobile, allait me procurer un réel plaisir visuel ; sous-estimé aussi le plaisir retrouvé d’écrire un journal après plusieurs mois de repli. Dois-je en déduire alors que je me suis trompé lorsque j’écrivais en septembre dernier que la tenue de ce journal était manière douce d’en finir avec l’écriture, de me retrouver avant silence ? Trop tôt pour répondre, attendre d’abord que mes livres en aient fini de tourner girouettes à tous les vents et cèdent à l’épreuve du temps, s’effacent, s’effritent, puis se fondent à la terre humide… »
Coupures de presse
« C’est un livre un peu particulier dans l’œuvre de Jacques-François Piquet. A vrai dire, l’auteur pourrait me rétorquer que tous ses livres le sont également. Mais celui-ci s’éloigne des genres qu’il a déjà arpentés comme le roman, la nouvelle ou le théâtre. Celui de journal lui conviendrait au plus près, puisque l’on suit jour après jour le quotidien de l’écrivain. Avec aussi les jalons des commentaires acerbes ou ironiques sur l’actualité qui émaillent son parcours personnel.
Il faut commencer par l’argument, assez proche de la lubie, il faut bien le dire : Jacques-François accroche tous ses livres déjà édités aux branches d’un tilleul face à chez lui. Il compose ainsi une sorte de mobile géant et guette l’évolution de chaque volume soumis dès lors au vent, la pluie, la chaleur, le froid… et les conditions radicales de l’extérieur, bien loin du confort du rayon de bibliothèque. Il insiste sur le fait qu’il veut voir ce que cela donnera quand ils seront certainement abîmés, détériorés, voire une fois tombés redevenus humus à leur tour. Chaque livre qui tourne avec la bise et se balance au bout de son fil garde pour l’auteur sa valeur historique, symbolique, qui correspond à son moment d’écriture, et aux souvenirs précis, amoureux entre autres.
Les différents épisodes de sa vie tournoient dans l’air, avec leur teneur littéraire et leur pesant d’espoir et de déception. « …Qu’écrit-on quand on écrit sinon des histoires pour tenter de comprendre la sienne ? » Il regarde le manège de ses mots alors que sa vie avance entre travail à l’hôpital psychiatrique et au centre de gériatrie. Pourquoi cette idée saugrenue ? Si ce n’est pour se confronter, soi-même et ses œuvres, à « l’épreuve du temps » et peut-être arrêter l’écriture. Ne confesse-t-il pas : « l’écriture m’a inventé presque de toutes pièces. » Alors petit à petit, feuilletant les pages, parcourant les jours, on retrouve chez l’auteur son goût d’écrire qui se communique à son lecteur, puisqu’on le suit pas à pas avec plaisir et bonheur et l’idée renaît aussi bien dans sa tête que dans la nôtre… « Le désir d’écrire m’est revenu en travaillant sur cette matière vivante. » Une sorte de catharsis a eu lieu sous nos yeux, mine de rien. Avec l’amour longtemps perdu de vue qui revient enfin au centre du jeu. Et les bouquins peuvent tournoyer encore longtemps… »
Jacques MORIN
in Texture & in Décharge n°180
« En 2015, Jacques-François Piquet publiait Vers la mer aux éditions Rhubarbe. Un récit bouleversant. Ce fut mon livre de l’année. Trois ans plus tard, voici L’épreuve du temps… chez le même éditeur.
« Au premier jour de l’automne 2015, écrit-il en quatrième de couverture, j’ai pendu les treize livres que j’avais écrits aux branches hautes d’un vieux tilleul, puis entrepris de tenir le journal de leur dégradation comme je l’aurais fait de mon propre vieillissement. »
Ainsi se surprend-il à tenir la chronique d’un geste de plasticien dont il n’ose pas revendiquer l’audace. L’épreuve du temps, à petits pas, nous invite à la lecture d’un journal d’écrivain jouant avec les fantômes de sa vie mêlés aux fantômes de ses propres fictions. Mais, peu à peu, interrogeant et questionnant sans cesse son écriture, l’auteur nous prend au piège d’un faux journal au fil duquel un incroyable roman d’amour s’écrit dans un troublant « je » double.
La forme est d’une grande malice. Elle nous attrape et ne nous lâche plus. On attend le point météo, on attend la balade autour des étangs, on attend la nouvelle visite à la bibliothèque de Roch-sur-Rivière (ah, la bibliothèque de Roch-sur-Rivière !), on attend les « On dit » sur le monde, l’avancée des travaux chez Maria et Alexandre, ses voisins portugais, et cette inexorable déliquescence du mobile même de sa renaissance : les Treize suspendus aux branches du vieux tilleul.
Incantation répétitive et hypnotique, on y croise des cauchemars effroyables mais également des rêves éblouissants, les égarés d’un hôpital psychiatrique et les anciens d’un service de gériatrie, où Jacques-François Piquet nous affirme y animer des ateliers d’écriture. Peut-on encore le croire, tant l’écrivain s’amuse avec les mots qui le construisent pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui s’engagent à les lire ?
Chaque nouveau livre de Jacques-François Piquet nous enchante un peu plus. Soyons patients, d’après certaines sources, il y aurait projet sous roche… »
Laura BLOOM
La Voie des Livres